lundi 24 octobre 2011

Sans les Sikhs d'Italie, le parmesan serait en voie de disparition

Manjit Singh maîtrise parfaitement la fabrication du parmesan: ce Sikh 
de 34 ans appartient à une grande communauté arrivée massivement 
du Penjab en Italie, sans laquelle la fabrication de l'emblématique fromage 
serait en voie de disparition.
Barbe soignée et turban immaculé sur la tête, Manjit était chauffeur de taxi 
avant de quitter son Inde natale il y a sept ans pour devenir l'artisan fromager 
d'une fabrique familiale à Zibello, non loin de Parme (nord-est). 

Un grand nombre des 25.000 Sikhs qui vivent en Italie, essentiellement entre 
Lombardie et Emilie-Romagne, sont originaires de la région pauvre du Pendjab. 
Calmes et appliqués, ils sont devenus indispensables à l'industrie du parmesan.
Les laiteries absorbent une énorme quantité de ces travailleurs durs à la tâche, 
mais certains comme Manjit se sont hissés à des fonctions-clef dans un secteur 
symbole du Made in Italy.
"Je cherchais n'importe quoi comme travail quand je suis arrivé, même plongeur 
dans un restaurant. J'étais prêt à tout mais là, j'aime vraiment beaucoup être un 
artisan fromager", explique à l'AFP-TV M. Singh, père de deux enfants et bientôt 
d'un troisième.
Graziano Cacciali, propriétaire de l'usine où travaille M. Singh, l'a pris à ses côtés 
en 2004 après quatre pontages coronariens et se dit très satisfait d'avoir enseigné 
à cet Indien un art que les Italiens ne veulent plus apprendre.
"Il n'y a plus du tout d'Italiens dans cette industrie. Il faut travailler de longues 
heures (de 6H00 à 20H00 avec une pause à mi-journée de quatre heures environ), 
le week-end, les jours fériés, chaque jour de l'année", souligne-t-il.
"Les jeunes ne veulent plus faire ce type de boulot, les Italiens ont de l'argent 
maintenant", regrette-t-il encore. Alors que le salaire est pourtant intéressant: 
entre 1.800 et 2.000 euros nets mensuels.
Malgré sa santé fragile et ses 71 ans, M. Cacciali, qui vit sur place, descend 
tous les jours dans son usine "par passion et il en faut!". Il a succédé à son père 
et travaille depuis l'âge de 12 ans.
Il garde en permanence un oeil sur Manjit Singh qui passe d'une cuve à l'autre 
pour remuer le lait, chauffé pour accélérer le caillage, puis reprend ses allers et 
venues pour briser le caillé avec un fouet géant.
Le processus dure trois ou quatre heures avant que Manjit transfère le fromage 
à peine formé dans un moule, placé dans un bain d'eau salée pendant quelques jours.
La fabrique de "Cacciali et filles" produit 10 fromages par jour.
Les premiers Sikhs sont arrivés dans la région à la fin des années 80. Environ 
la moitié travaillent dans l'industrie et l'autre a trouvé un emploi dans des fermes 
ou fabriques de fromage. Les Sikhs sont patients avec les vaches, qui ne sont 
pas sacrées dans leur religion mais très respectées comme partout en Inde.
Dans une coopérative d'élevage proche de Novellara, spécialisée dans la production 
de lait pour le parmesan, la moitié des ouvriers sont des Sikhs.
"Ils sont plus impliqués dans leur travail et ils semblent s'être bien intégrés à notre 
communauté: ils ont même leur propre temple", souligne Stefano Gazzini, responsable 
de l'étable de la coopérative CILA.
Dans le centre historique de Novellara, on voit fréquemment des Sikhs arborant 
un turban bleu, jaune safran ou blanc, accompagnés de leur épouse, faire le marché 
ou s'arrêter pour prendre un thé au lait avant de se rendre au temple.
"Nous avons vraiment de la chance d'avoir trouvé des étrangers qui viennent traire 
nos vaches, sinon nous n'aurions personne pour le faire. Le secteur serait en voie 
d'extinction", explique M. Gazzini, 28 ans.
Les 1.100 vaches de la coopérative où il officie sont nourries selon les critères 
très stricts du consortium du Parmigiano-Reggiano, qui impose aussi le stockage 
des formes de fromage pendant au minimum 12 mois avant leur mise en vente.
Il semble difficile que Manjit Singh puisse reprendre la fabrique de M. Cacciali, 
compte tenu des investissements nécessaires, mais sa communauté pourrait 
un jour représenter le salut d'une industrie qui produit 3 millions de fromages par an.