lundi 31 octobre 2011

Projets verts: chiche, disent les paysans africains mais quel financement?

La contrainte politique est perçue comme majeure. "Si le gouvernement n'est pas dans la boucle, ça semble très compliqué. Nos économies qui vivaient de l'agriculture deviennent des économies vivant de la politique, ça nous fait beaucoup de tort", a déploré Felix Jumbe, président des fermiers malawites (FUM). ( © AFP Gianluigi Guercia)

JOHANNESBURG (AFP) - Le mécanisme qui finance des projets verts dans les pays en développement pourrait être l'un des outils phares pour prolonger le protocole de Kyoto après 2012, mais les agriculteurs africains, concernés au premier chef, y accèdent difficilement.
Les syndicats agricoles d'Afrique australe (Sacau) ont lancé un "appel à une simplification des mécanismes de financement", dans une résolution destinée aux négociateurs de la prochaine conférence sur le climat du 28 novembre au 9 décembre 2011, à Durban en Afrique du Sud.
Ils visent "en particulier le mécanisme de développement propre" (MDP) qui permet aux pays industrialisés ou à leurs entreprises de financer des projets dits "propres", selon la résolution dont l'AFP a consulté le projet.
La Chine, l'Inde et le Brésil ont raflé l'essentiel des 3.000 projets financés depuis 2005 par ce mécanisme, qui permet d'acheter des droits d'émettre des gaz à effet de serre, responsables du réchauffement du climat, en échange par exemple d'un effort de reboisement ou de la valorisation énergétique de déchets.
Mais l'Afrique sub-saharienne participe à dose homéopathique à ce marché des crédits carbone selon l'Institut International de recherche sur l'Alimentation (IFPRI) à Washington qui chiffrait la dimension de ces projets en Afrique sud-saharienne à 1,4% en 2008.
Quatorze projets sur 18 étaient financés en Afrique du Sud et, seulement six liés à l'agriculture, selon une brochure de la Sacau, éditée en 2009.
Il y a eu peu d'évolution depuis, selon les responsables agricoles réunis récemment à Johannesburg par la Sacau pour préparer la conférence de Durban.
On serait à 4% de projets financés en Afrique par le MDP, selon l'agence pour l'alimentation et l'agriculture de l'ONU (FAO).
Savoir présenter les projets
Les questions ont fusé pour savoir comment accéder au marché carbone ou à la dizaine d'autres cagnottes comme le Fonds d'adaptation au changement climatique, qui a financé seulement deux projets africains en deux ans, l'un pour l'irrigation en Erythrée et l'autre contre l'érosion côtière au Sénégal.
"Les petits paysans n'ont pas le savoir nécessaire pour présenter des projets", a observé Mme Effatah Jele du syndicat des fermiers zambiens (ZNFU).
"J'ai une exploitation laitière et ce que je voudrais savoir c'est comment nourrir mes bêtes pour qu'elles émettent moins de gaz", dit-elle.
Les complications administratives et techniques rebutent les agriculteurs, pourtant prêts à s'adapter et qui déplorent déjà le changement climatique, avec des saisons de canne à sucre et des rendements sucriers en baisse à l'île Maurice, ou un calendrier des pluies erratique et des inondations plus fréquentes au Malawi et en Zambie.
"C'est très compliqué, très long", a reconnu la représentante de la FAO, Christina Seeberg-Elverfeldt, "mais possible", selon elle: il faut "se regrouper et monter des projets concernant au moins 50.000 agriculteurs".
La contrainte politique est perçue comme majeure. "Si le gouvernement n'est pas dans la boucle, ça semble très compliqué. Nos économies qui vivaient de l'agriculture deviennent des économies vivant de la politique, ça nous fait beaucoup de tort", a déploré Felix Jumbe, président des fermiers malawites (FUM).
"Pourquoi est-ce conçu de telle manière que cela coûte beaucoup d'argent" de monter un dossier, a interrogé Zanele Phiri, directrice du syndicat swazi (SNAU).
"Si l'on regarde le Mozambique, nous sommes un pays petit et jeune, nous avons donc besoin de compensations", a protesté Eugnelio Buquine (UNAC).
"Mais qu'est-ce qu'on voit avec REDD+ (un fonds pour la reforestation) ? Ils coupent des arbres indigènes pour planter des pins et des eucalyptus", relève-t-il.
© 2011 AFP