lundi 26 septembre 2011

Une catastrophe alimentaire menace l'Europe

Un des fondements de l'Europe, c'est la solidarité entre ses membres. La valse des milliards nous donne le tournis quand il s'agit des États en faillite et des banques à découvert. Mais quand la machine s'emballe pour corriger le plan de table des plus pauvres d'entre nous, le parfum du scandale de la faim donne carrément la nausée. L'Europe se prépare en effet à mettre les pauvres au régime. Une crise humanitaire menace 80 millions de personnes dans le besoin alimentaire dans les 27 pays européens (1).

Pour comprendre ce qui se joue en ce moment, il faut remonter vingt-cinq ans en arrière quand Coluche obtient de taper dans les stocks européens pour les mettre sur la table des Restos du coeur. À l'époque, il coûte moins cher de se débarrasser de la surproduction agricole plutôt que d'entretenir les stocks dont on ne sait que faire. Mais, pour une fois, le cynisme du réalisme a du bon. Peu importe le sac, pourvu qu'on ait du grain. Ainsi naît le Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD). Il pèse aujourd'hui 23 % des approvisionnements des Restos du coeur, 35 % de la distribution des Banques alimentaires et 50 % des rations du Secours populaire. C'est ce programme qui est aujourd'hui condamné à mort.
Pourquoi ? Aujourd'hui, les stocks sont vides. La hausse vertigineuse des prix des matières premières a mis le feu aux greniers. Rajoutez un zeste de spéculation et une bonne dose d'effet pervers des biocarburants et voilà notre belle Europe face à des frigos déserts. Pour tenir le rythme de son aide alimentaire, il lui faudrait acheter la farine et le lait sur les marchés, aux prix de ces marchés où la charité n'est pas une valeur prise en compte dans le calcul des traders. Dans ces conditions, certains pays comme notre voisine l'Allemagne ne sont pas d'accord avec la poursuite de l'aide alimentaire. Avec elle, une poignée d'États ont porté l'affaire devant la Cour de justice qui leur a donné raison et a précisé les conditions de la générosité : écouler les stocks, oui. Mais il n'y en a plus ! Acheter sur le marché, non. Concrètement, l'aide alimentaire serait divisée par cinq en passant de 500 à 113 millions d'euros ! Dès l'an prochain. Et voilà une nouvelle raison de s'indigner ! Quand une loi est mauvaise, il faut changer la loi. Le défi européen est de sauver son honneur en adaptant son programme d'aide alimentaire et en disant que ce n'est pas au plus faible d'entre les siens de payer le prix de la crise. C'est tout l'honneur de l'Europe de montrer que la raison du plus fort n'est pas la meilleure.
Pour l'heure, l'intransigeance tient la corde. Les ministres européens de l'Agriculture n'ont pas trouvé de solution cette semaine et se sont donné un nouveau rendez-vous le 20 octobre. Il faut croire que, d'ici là, la dignité l'aura emporté sur l'égoïsme.
(1) : Source : FAO (organisation des nations unies pour l'agriculture)
Hervé Bertho