mardi 22 mai 2012

Grèce : vers une révolution agricole alternative ?

Par 

TutorPoolBoroumela révolution des patates sont des exemples de ce que la société grecque à créé, contrainte de trouver des solutions alternatives face à la baisse des salaires et des retraites, conjuguée à des prix à la consommation souvent bien plus chers que dans d’autres pays européens. Avec un salaire minimum (quand celui ci est payé) à 445€ par mois et un loyer à Athènes de 300€ par mois, il devient évident que d’autres solutions sont nécessaires pour survivre, surtout quand on sait que le paiement des impôts commence dès 5000€ de salaire annuel. Une équation impossible à résoudre pour nombre de foyers grecs.
TutorPool est un site (créé avec des outils open source) qui permet à chacun de proposer d’aider bénévolement des élèves dans son domaine de compétence. Lors de sa création, le site a remporté un très vif succès, comme Boroume qui propose de récupérer des invendus dans les hôtels et restaurants pour les proposer aux citoyens les plus affaiblis par la crise. Un hôtel de la place Syntagma propose d’ailleurs dans ce cadre 40 repas par jours. Une solidarité en plein essor et très éloignée du nombrilisme d’avant la crise.
La dernière nouveauté grecque : une AMAP en ligne. Le même système qu’en France, mais déployé à grande échelle via une plateforme internet. Gine Agrotis (« Devient agriculteur ») propose une inscription pour les agriculteurs qui souhaitent vendre sans intermédiaire et un abonnement pour les consommateurs.
Gine Agiotis a un but simple :
Qui sommes nous ?
Le projet est une tentative de mise en réseau et de communication entre les agriculteurs grecs et les consommateurs ruraux et des centres urbains.
Nous avons commencé notre projet ambitieux de réorganisation, dans le but de renverser, de «casser» le marché et d’offrir un service innovant en créant un outil qui permet de mettre en contact direct. L’idée est venue de Dimitris Koutsolioutsos, qui a assemblé une équipe composée de personnes ayant une vision commune d’ »une meilleure qualité de vie dans le s centres urbains. »
Le Service proposé :
Le concept vise essentiellement à promouvoir le concept de « Farmer exclusive » à chaque famille.
Les jeunes agriculteurs, s’engagent au nom des consommateurs, à la culture et à la production de tous les légumes et les fruits de saison, selon les principes de l’agriculture biologique
Le projet est systématiquement contrôlée par les QWAYS  (www.qways.gr), qui a pris la décision de certifier progressivement toutes les cultures et la distribution des marchandises.
(…)
Les utilisateurs enregistrés peuvent adopter un olivier et profiter de toute la production annuelle de leur propre arbre. 
Chaque consommateur choisit son producteur en fonction de sa zone géographique et reçoit son panier chaque semaine.
Ce type de consommation alternative a de grandes chances d’avoir un succès très rapide en Grèce. Espérons le, car le pays, miné par la crise et régulièrement décrié par ses voisins, pourrait donner une vraie leçon de croissance verte et d’économie locale éthique.
L’autre intérêt de Gine Agrotis est de promouvoir l’agriculture biologique chez les jeunes, à l’heure où plus de 50% d’entre eux sont sans emploi. Une possibilité donc de développer l’agriculture biologique et de permettre aux jeunes de créer leur propre activité en limitant le risque de subir les prix des grossistes et des grandes surfaces !
Vers une révolution de l’agriculture biologique ? Espérons-le !


http://www.okeanews.fr/grce-vers-une-rvolution-agricole-alternative/

vendredi 18 mai 2012

L'Accaparement de terres: En Amérique latine, il y a effectivement de l’accaparement de terres.


Les 120 membres de mouvements et d’organisations sociales d’Amérique latine et des Caraïbes qui se sont rassemblés à Buenos Aires du 22 au 25 mars dans le cadre de la IIIe Conférence spéciale pour la souveraineté alimentaire (antérieure à la 32e Conférence régionale de la FAO — Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) ont émis la Déclaration de Buenos Aires, dans laquelle ils questionnent la position adoptée par la FAO en ce qui a trait à l’accaparement de terres en Amérique latine. 
Cette conférence a été organisée par le CIP [1], soit le Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire. Pendant 4 jours, plus de 100 organisations sociales provenant de plus de 20 pays d’Amérique latine ont débattu des problématiques les plus pressantes dans le continent, ainsi que de leurs propositions politiques et solutions possibles en faveur de la souveraineté alimentaire.
La problématique de la terre a pris une place primordiale dans tous les débats. Celle de l’accaparement des terres s’est avérée l’une des principales barrières au développement de la souveraineté alimentaire. 
C’est pour cette raison que la présentation de la FAO, qui soulignait de récentes études sur l’accaparement de terres où l’on décrit le phénomène du land grabbing comme en étant à ses débuts et se limitant seulement à deux grands pays, soit l’Argentine et le Brésil, a alarmé les participants. Il a même suscité d’importants questionnements sur la position de la FAO dans le document final. 

Antécédents 

Devant l’accaparement global de terres qui prend place actuellement, la FAO encourage « l’investissement agricole responsable » en proposant « la création d’un consensus international sur les principes pour l’investissement agricole responsable (Principes IAR) [2] en collaboration avec d’autres institutions telles que UNCTAD (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement), le Fonds international du développement agricole (FIDA) et la Banque Mondiale.
Pendant le Forum social mondial de Dakar [3] et devant de telles propositions, les organisations de la société civile ont formulé l’Appel de Dakar contre l’accaparement de terres. Dans cet appel, on demande au Comité de sécurité alimentaire mondiale (CFS) de rejeter les principes d’investissement agricole responsable, car ils sont considérés comme un moyen illégitime et inapproprié pour confronter le phénomène de l’accaparement de terres.
En 2009, dans le contexte de la crise alimentaire globale, la FAO, l’IFAD et l’IIED (Institut international de l’environnement et du développement) ont publié un étude sur le progrès du phénomène du land grabbing, ou l’accaparement de terres en Afrique.  
Dans ce contexte, le Bureau régional de la FAO pour l’Amérique latine et les Caraïbes (RLC), a pris l’initiative de chercher des antécédents qui permettraient de vérifier dans quelle mesure le phénomène de l’accaparement de terres se manifestait en Amérique latine, le cas échéant.
Ayant cet objectif à l’esprit, la RLC a commissionné l’élaboration d’études nationales sur la dynamique de la concentration de terres pendant le dernier quinquennat, et ce, dans dix-sept pays de la région. 
Le 14 et 15 novembre 2011, la FAO a convoqué à Santiago, au Chili, une rencontre nommée « Dynamiques dans le marché de la terre en Amérique latine et les Caraïbes ». Les conclusions de ces études y ont été présentées, de même que la conclusion antérieurement mentionnée. 

Est-ce une question de public vs le privé ?

Selon les mouvements sociaux établis à Buenos Aires, ce travail de la FAO « montre un très grave aperçu de la situation de la terre en Amérique latine, ainsi que du processus d’internationalisation et d’accaparement qui a lieu autant dans la production d’aliments de base que dans les biocarburants, la production forestière, le tourisme, l’exploitation minière ou la préservation ». 
Ce qui a été étonnant, c’est le rapport final qui conclut que le phénomène du land grabbing(accaparement de terres) se trouve en phase initiale et limité à seulement deux grands pays, soit l’Argentine et le Brésil. Selon les organisations sociales, « ces conclusions sont le résultat d’une application des critères d’accaparement en un sens très limité : acquisition de larges étendues de terre destinées à la production d’aliments dans laquelle on retrouve au moins un gouvernement étranger parmi les agents/acteurs intervenants ». En effet, le bureau régional de la FAO en Amérique latine considère qu’on ne peut pas parler d’accaparement de terres lorsqu’il s’agit d’investisseurs privés. Selon la FAO, il ne peut y avoir accaparement que lorsqu’un investisseur souverain (d’État) y est impliqué.  
Un grand nombre d’organisations de la société civile ne peuvent accepter cette position. Il vaudrait la peine de souligner que des arguments similaires émergent ailleurs dans le monde dans le but de limiter le débat. En Australie, par exemple, où 12 % des terres agricoles reposent entre les mains d’investisseurs étrangers, certains groupes tentent de faire la différence entre les investisseurs privés et les investisseurs souverains afin de limiter la recherche de meilleurs contrôles et régulations uniquement au secteur public. Comme si l’investissement privé était quelque chose d’incontestable, ce qui fait bouger le monde. 
La prise de contrôle de vastes étendues de terres, de territoires et des droits qui y sont liés représente un problème pour le groupe Beidahuang (une entreprise d’État dans la province de Heioljiang) ou Hassad Food (crée par le gouvernement du Qatar) ou même pour une entreprise comme CalyxAgro (subsidiaire du groupe français Lois Dreyfus Commodities) ou Adecoagro (dirigé par l’investisseur américain hongrois George Soros).
Parmi les principales causes expliquant le développement de l’accaparement de terres en Amérique latine se trouve l’avancée brutale du l'agro-industrie dans tout le continent. C’est le même l'agro-industrie qui a mené l’humanité à la somme inédite de un milliard d’affamés. Il faut aussi souligner le rôle que joue l’exploitation minière dans des pays tels que l’Argentine, le Chili, le Pérou, l’Équateur, le Costa Rica, le Mexique et le Guatemala. D’égales importances, on retrouve les mégas projets hydroélectriques et les initiatives touristiques de grande envergure qui s’approprient des espaces communs. Finalement, parmi les causes d’accaparement de terres en Amérique latine, il est important de mentionner les fausses solutions au changement climatique, tels que les projets REDD+ et les plantations de monocultures pour la production de biomasse à des fins énergétiques. 
Les groupes rassemblés à Buenos Aires ont également abordé les problèmes que posent un autre rapport daté de juillet 2011, intitulé Rapport du groupe d’experts de haut niveau du comité de sécurité alimentaire mondiale (CFS) sur la possession de la terre et les investissements internationaux en agriculture. Cet autre rapport, proposé pour agir comme guide à l’intérieur du débat, passe d’une simple dénonciation du land grabbing à la reconnaissance du potentiel des investissements étrangers dans les terres.

Ce qui est fondamental, ce n’est pas de trouver la définition

La Déclaration [4] qui fut présentée cette semaine à la 32e Conférence régionale de la FAO aborde la question de l’accaparement de terres comme suit :
« Nous manifestons notre désaccord avec le rapport final élaboré par la FAO-ALC, intituléDynamiques sur le marché des terres en Amérique latine et les Caraïbes, où l’on déclare que le phénomène du land grabbing (accaparement de terres) se trouve en phase initiale et qu’il se limite à seulement deux grands pays, soit l’Argentine et le Brésil. Ces conclusions sont le résultat d’une application très limitée des critères d’accaparement : acquisition de larges étendues de terre destinées à la production d’aliments dans laquelle on retrouve au moins un gouvernement étranger parmi les agents/acteurs intervenants. En plus, ce document qui propose le document daté de juillet 2011 intitulé Rapport du Groupe d’experts du Comité de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale (CSA) sur la possession de la terre et les investissements internationaux dans l’agriculture pour servir de guide à l’intérieur du débat, passe d’une simple dénonciation de l’accaparement de terres à la reconnaissance du potentiel des investissements étrangers dans les terres.
Bien que les documents inclus dans le rapport de la FAO-ALC montrent un très grave aperçu de la situation de la terre en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi que du processus d’internationalisation et d’accaparement qui a lieu autant dans la production d’aliments de base que dans les biocarburants, la production forestière, le tourisme, l’exploitation minière ou la préservation, nous comprenons que ces conclusions sont extrêmement dangereuses puisqu’on occulte et estompe, derrière une supposée rigueur scientifique et terminologique, un grave problème en ce qui concerne les superficies accaparées et les effets néfastes de l’accaparement sur les économies locales et sur la vie de millions de paysans de descendance africaine, d’autochtones, de petits entrepreneurs agricoles et de pêcheurs. »  
« Nous luttons contre l’accaparement des terres dans le monde entier à partir des organisations et des mouvements sociaux. Nous exigeons que la FAO-ALC reconsidère d’urgence cette position en écoutant les voix et les demandes des peuples et qu’elle ajuste ses actions devant le processus mis en place par la FAO à l’échelle internationale. Ce qui est important, ce n’est pas de trouver la meilleure définition de ce qui constitue ‘l’accaparement de terres’, mais bien de mettre fin, de toute urgence, au processus qui expulse quotidiennement les peuples de leurs territoires.
Dans ce sens, nous rejetons également la définition de ‘forêts’ établie par la FAO, car elle encourage l’accaparement de terres pour y établir de vastes monocultures. Permettre de les définir comme des ‘forêts’ ne fait que légitimer la monoculture à l’échelle industrielle, responsable des innombrables effets négatifs, incluant l’expulsion des communautés paysannes et autochtones. »

Dire non à tous les accaparements

GRAIN, de même que des centaines d’organisations sociales, est convaincu que la seule solution pour mettre un terme à l’accaparement de terres à l’échelle mondiale tout en suivant les propositions de l’Appel de Dakar, c’est d’en appeler aux parlements et aux gouvernements nationaux pour mettre une fin immédiate à tous les accaparements massifs de terres actuelles ou futures, et de restituer les terres volées.  
Le récent rapport de GRAIN [5], qui expose plus de 400 cas d’accaparements de terres sur une surface de près de 35 millions d’hectares dans 66 pays, est très éloquent à cet égard. Il est important de noter que parmi les cas répertoriés, des dizaines se trouvent en Amérique latine.

 Plus de renseignements 

1 - Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP)  www.foodsovereignty.org/fr
2 - Investissements agricoles étrangers et sécurité alimentaire www.fao.org/economic/est/issues/investissements-etrangers-dans-lagriculture/fr/
3 - Appel de Dakar contre l’accaparement de terres www.dakarappeal.org/index.php/fr/
4 - Déclaration de la IIIe Conférence spéciale pour la souveraineté alimentaire pour les droits et pour la vie. www.radiomundoreal.fm/5319-solucion-verdadera
5 -GRAIN publie un ensemble de données comprenant plus 400 cas d’accaparements de terres agricoles à l’échelle mondiale.  /e/4482

Haïti : Des organisations paysannes de l’Amérique Latine en visite dans le pays


Plus d’une quinzaine de dirigeants d’organisation des pays de l’Amérique Latine et des Caraïbes ont offert leur solidarité à leurs homologues haïtiens et ont critiqué la mission des Nations Unies pour la stabilisation d’Haïti (Minustah).


Cette délégation composés de représentants de la Coordination latino-américaine des organisations paysannes (Cloc) et de l’organisation mondiale paysanne Via Campesina, était en visite dans le pays durant deux jours, visite qui a été bouclée le lundi 14 mai 2012 par une rencontre avec des journalistes.


« La Minustah a échoué dans son objectif de rétablir l’ordre dans le pays », indique le membre de la commission politique de Cloc, Diego Montòn,


« Non seulement la Minustah n’a rien fait en faveur du peuple haïtien, mais la Minustah est un instrument de l’impérialisme américain », souligne Montòn.


Pour lui, « c’est une mission qui est au service du peuple américain, même quand les Américains n’ont pas de troupes sur le terrain ».


Par ailleurs, Diego Montòn s’est dit satisfait de son bref passage en Haïti.


« Contrairement à ce qu’on dit des Haïtiens, qu’ils sont un peuple violent, sauvage, la délégation a pu faire une autre expérience … c’est vraiment le contraire ».


La délégation, qui est arrivée en Haïti le dimanche 13 mai 2012, a rencontré plus d’une dizaine d’organisations paysannes, dont Tèt kole ti peyizan ayisyen et le Mouvement des paysans de Papaye (Mpp).


A en croire Montòn « cette solidarité permettra de constituer un groupe de pression afin de provoquer une grande mobilisation, qui forcera les dirigeants de leurs pays à retirer leurs troupes de la Minustah ».


La Cloc et la Via Campesina ont aussi mis l’accent sur les offensives des transnationales, notamment sur les terres.


La Via Campesina a décidé d’offrir sa solidarité, non seulement au peuple haïtien, mais également à tous les pays qui se trouvent dans le continent et qui sont victimes de répressions et violations de droits humains.


La Clorc est présente dans tous les pays de l’Amérique Latine. [jep kft gp apr 15/05/2012 09:45]

http://www.alterpresse.org/spip.php?article12854

mardi 15 mai 2012

A qui les terres en Afrique ?




C’est un phénomène qui existe depuis une petite dizaine d’années. Il s’amplifie considérablement aujourd’hui. Oui, l’acquisition de terres africaines par des pays étrangers devient une opération courante.
Que cela implique-t-il ? Bonne ou mauvaise nouvelle, pour un continent dont le secteur agricole reste le secteur dominateur ?
D’aucuns parlent d’exploitation à outrance. D’autres, carrément de néo-colonialisme. A l’inverse, certains y voient une formidable opportunité pour les pays africains de connaître une modernisation agricole. Quoiqu’il en soit, la question de l’acquisition des terres en Afrique, par des Etats, des entreprises, des fonds d’investissement étrangers, ne laisse personne indifférent.
En 2009, selon l’International Land Coalition, ce ne sont pas moins de 200 millions d’acres de terres vendues à travers le monde, dont 64% sur le continent africain.
Qui vend ? Qui achète ? Pourquoi ?
 Aujourd’hui, l’Arabie Saoudite, la Chine, Le Qatar, l’Inde, le Koweït et la Corée du Sud sont les pays les plus actifs dans cette nouvelle pratique. Par exemple, l’entreprise Sud Coréenne Daewoo a récemment acquis 1,3 million d’hectares à Madagascar. Madagascar justement, en compagnie duGhana, du Soudan, de l’Ethiopie, et du Mali, fait parti des 5 pays où ce nouveau genre de transactions a le plus souvent cours. A eux 5, ils représentent  2,5 millions d’hectares vendus.
Les intérêts des pays étrangers sont multiples. Lorsque ce sont les Etats qui investissent, c’est principalement pour répondre au souci d’insécurité alimentaire. L’explosion démographique de certains pays (Inde, Corée du Sud) rend la satisfaction totale des besoins alimentaires, difficile à atteindre. L’exiguïté d’autres pays (Qatar, Koweït) rend d’emblé, la production agricole insuffisante, voire quasi-nulle.
Ces acquisitions foncières peuvent également se faire pour la seule spéculation financière.
En réalité, selon la Banque Mondiale, 21% des achats de terres en Afrique, en 2009, ont été réalisés dans le but de produire des biocarburants. Oui, les biocarburants sont la principale raison des acquisitions massives des terres en Afrique. Ce qui fait dire, d’ailleurs, à certains spécialistes du sujet, que l’Afrique est devenue le Moyen-Orient des biocarburants.
Que gagnent les pays africains ?
Dans un premier temps, la vente de terres apporte un avantage financier aux autorités. Souvent, ces acquisitions se font également avec l’assurance qu’en contrepartie, des infrastructures seront construites.
Lorsque l’acquisition des terres s’effectue dans le l’idée d’une production agricole, alors, l’Afrique a potentiellement, beaucoup a y gagner. Tout d’abord : des emplois. Le faible coût de la main-d’œuvre locale, combiné à la connaissance de la terre, font de l’agriculteur autochtone un travailleur prisé par les entreprises étrangères, y compris les entreprises chinoises, pourtant habituées à l’utilisation de leur propre main-d’œuvre. Au-delà des emplois, l’avantage primordial reste le possible transfert de technologie. Un savoir-faire humain et technique, plus moderne et susceptibles d’améliorer la productivité agricole en Afrique. In fine, ce transfert de compétences humaines et techniques pourrait éventuellement entraîner un bouleversement dans les circuits de l’agro-business : Et si les pays africains pouvaient, grâce à cela, assurer eux-mêmes, la transformation de leurs produits agricoles ? Qu’en serait-il alors d’un pays comme la Côte d’Ivoire, premier exportateur mondial de cacao ? Serait-il en mesure de produire, à terme, son propre chocolat ?
On en est loin. Mais cette perspective est alléchante.
Qu’en est-il réellement ?
 Récemment, les habitants de la vallée de la rivière Tana, au Kenya, se sont opposés aux pouvoirs publics après que ceux-ci aient accordé au Qatar l’exploitation de 40 000  hectares de terres cultivables. Le tout, en échange de la construction d’un port. Cet exemple, qui n’en est qu’un parmi bien d’autres, est révélateur de la manière avec laquelle les populations africaines accueillent ces nouvelles initiatives.
A l’automne 2008, le président malgache, M.Ravalomanana, est contraint à la démission suite à la protestation populaire liée à la vente de 1,3 millions d’hectares à Daewoo, citée plus haut.
S’il existe de telles oppositions, c’est parce qu’en réalité, l’acquisition de terres dessert considérablement les populations. Les terres vendues sont souvent exploitées, au préalable, par des paysans. A leur vente, si l’entreprise poursuit la production agricole, ou entame la production de biocarburants, elle est susceptible d’embaucher les anciens exploitants. Cela dit, bien souvent, les emplois créés sont nettement inférieurs au nombre initial des exploitants de la terre en question, avant acquisition. Lorsque la terre est acquisition en vue de la simple spéculation : aucun emploi n’est créé.
Quelque soit l’issue, l’achat des terres africaines entraine de nombreux mouvements de population, qui commence –seulement maintenant- à inquiéter l’ONU et autres organisations internationales. Ces déplacements des populations rurales vers les zones urbaines ne font que mettre plus en avant encore cette nouvelle pauvreté liée au chômage massif dans l’agriculture.
La vente de terre : une aberration ?
 Comment cela est-il possible ? A leur où les adeptes de Malthus fleurissent à nouveau pour nous expliquer que, compte tenu du nombre trop important d’individus sur la planète, la satisfaction alimentaire sera un enjeu crucial du XXIe siècle, voilà que l’Afrique vend ses terres. Par ailleurs, comme en Côte d’Ivoire, où l’agriculture représente 60% des exportations du pays, le secteur primaire, pour les Etats du continent africain, est primordial.
Que la Corée du Sud, la Chine ou le Qatar s’inquiètent de leur insécurité alimentaire paraît tout à fait normal. En revanche, que ce soit les pays africains, eux-mêmes en insécurité alimentaire, qui vendent leurs terres –pour si peu en échange- paraît totalement incongru.
On serait tenté de se ranger du côté de ceux qui crient au néo-colonialisme comme le fait l’ancien Directeur Général des Nation Unies pour l’alimentation et l’AgricultureM. Jacques Diouf, mais non. Non car les pouvoirs publics des pays concernés ne sont pas obligés de pratiquer cette politique destructrice qu’ils regretteront sur le long terme. Non car il n’y a pas de fatalité : l’Afrique peut connaître le développement technique, dans le domaine agricole, par d’autres moyens que celui de vendre ce qu’elle a de plus précieux : la terre.
Beaucoup d’économistes estimaient que les Etats africains n’étaient jamais vraiment sortis de la colonisation du fait des mécanismes financiers et économiques qui pèsent toujours sur eux : Franc CFA en Afrique de l’Ouest, entretient de la dette etc. On parlait alors de colonisation à distance. Cette nouvelle exploitation remet au goût du jour l’idée d’une « colonisation » physique, outrancière. La communauté internationale ne s’en émeut guère. Pas plus que l’Union Africaine.
Mais la Corne de l’Afrique ne vient-elle pas de connaître une terrible famine, en 2011 ?
Giovanni DJOSSOU