dimanche 11 septembre 2011

De la viande OGM au menu


« Le saumon sera le premier animal transgénique que nous consommerons. Le projet est calé depuis déjà dix ans et aboutira en terme de commercialisation. Dans deux ou trois ans », prédit l’ardent défenseur des OGM, intervenant lors d’une soirée organisée par la FDSEA et les JA des Côtes d’Armor. « Un bon projet qui ne vise pas à produire des monstres à l’état adulte mais à améliorer la croissance de l’animal. Deux fois plus de viande en deux fois moins de temps. Avec une bonne qualité de chair ». Bref, ce que l’on a fait depuis 20 ans en sélection classique puisque le saumon a doublé de poids dans cette période. « Et on s’en vante ». Le tilapia, autre poisson à avoir bénéficié des manipulations de gènes, suit le mouvement. Bientôt dans nos assiettes. Du moins celles des Américains qui devraient donc lever rapidement les refus de mise sur le marché, à en croire le généticien. Le risque d’invasion de l’écosystème, par des poissons échappés des parcs, ne devrait pas peser suffisamment pour enrayer le mouvement.


La grippe à la trappe


Le meilleur projet, à ce jour, pour Louis-Marie Houdebine, concerne les poulets transgéniques résistants à la grippe aviaire H5N1. La recherche publique anglaise vient d’aboutir, au printemps 2011, sur ce projet de résistance aux infections virales. « La stabilité génétique et la qualité de la viande sont actuellement testées. Elles ne font aucun doute », affirme le chercheur qui entrevoit une possible extension au porc. Une réponse à la nécessité de réduire l’usage des médicaments en élevage et au risque de transmission à l’homme. D’autres projets de transgénèse animale sont bien avancés: la production de lait de vache contenant des substances permettant de lutter contre les infections bactériennes, par exemple. L’amélioration de la qualité du lait (moins de lactose et de protéines allergènes) ou de la viande (oméga 3) sont également ciblées.


Opposition


Le stade de la commercialisation approche. Elle pose le problème de l’acceptabilité par le consommateur. « Dans le cas de production de médicaments (dans le lait, par exemple), l’opposition sera nulle », prédit le chercheur. « Car la demande est très forte dans le monde ». Il est tout aussi optimiste concernant la mise en marché de viandes d’origine transgéniques. « Si on offre quelque chose qui intéresse le consommateur, il n’y aura pas de refus ». Il cite des études réalisées dans différents pays européens sur la consommation de végétaux OGM. « Ce qui limite leur achat, c’est tout simplement leur absence dans les rayons ». Leur prix, en premier lieu, pourrait être un argument de poids.


Sécurité toxicologique


Le consommateur fera-t-il confiance à la qualité du produit en terme de sécurité sanitaire ? « Les examens réalisés sur les OGM n’ont pas de sens toxicologique. Nous consommons depuis longtemps des hybrides interspécifiques (croisements entre espèces,) tels que le triticale (blé x seigle) ou le mulet (cheval x âne). Il y a, dans ces cas, un échange de milliers de gènes. Dans le cas de la transgénèse, un seul gène, bien ciblé et connu, est échangé. Il n’y a pas de hasard ». Il cite, en opposition, le cas de la sélection classique qui peut, par le brassage hasardeux de gènes qu’elle implique, déboucher sur des produits inconsommables (trop de toxines dans certaines variétés de pomme de terre).


Convaincre l’éleveur


Outre le consommateur, il faudra convaincre le producteur. Un éleveur de porc présent dans la salle assure qu’il ne prendra pas le risque d’être en désaccord avec la société. « Le rôle du scientifique est de faire de bonnes expertises », lui répond le généticien. « Je serais profondément déçu si les bons produits n’étaient pas mis sur le marché ». Inquiet également du retard de la France, grand pays agricole « qui met ce formidable outil de côté ». On se rassure en se disant que la transgénèse n’est pas la seule voie de recherche possible. Les éleveurs laitiers le savent bien. Ils utilisent les produits de la sélection génomique dans leurs élevages. Les progrès sont, là aussi, considérables et les perspectives alléchantes, sans manipulations génétiques. D’autres voies existent. Louis-Marie Houdebine en convient. « La transgénèse ne résoudra pas, seule, les problèmes de nutrition dans le monde ». Il n’y a rien de scandaleux à refuser les organismes génétiquement modifiés, à vocation alimentaire. Le problème, c’est le manque de cohérence du citoyen consommateur français. Il s’opposera, à n’en pas douter, à la production de viandes GM sur son territoire, mais s’empressera d’acheter des produits moins chers, issus d’animaux transgéniques, importés de pays étrangers, créant une nouvelle distorsion de concurrence préjudiciable aux filières d’élevage française et européenne. 
Bernard Laurent