lundi 28 mars 2011

La cause des paysans indiens défendue à La Haye

Palagummi Sainath, journaliste spécialisé dans les affaires rurales à The Hindu, était de passage à Paris fin mars pour présenter aux étudiants de Science-Po son film « Nero’s guests ». Ce documentaire sur la détresse de la condition paysanne en Inde est également projeté à La Haye (Pays-Bas) dans le cadre du festival « Movies that matter », organisé par Amnesty International jusqu’au 30 mars.
Devant les étudiants de Sciences-Po Paris à qui il présente son film fin mars, le journaliste P. Sainath dénonce les agissements du gouvernement indien envers les paysans. (Kilian FICHOU)
Ces dix dernières années, plus de 200 000 paysans se sont suicidés en Inde. Etouffés par les dettes, accablés par l’augmentation du coût de la vie, ils s’enfoncent de plus en plus dans une misère dont ils n’ont aucune chance de se dégager. En 2009, les chiffres officiels du Bureau national des statistiques criminelles faisaient état de 17 368 suicides chez les agriculteurs, le pire chiffre de la décennie. « C’est l’ultime recours qu’ils ont trouvé pour exprimer leur désespoir », constate sombrement P. Sainath. Depuis plus de vingt ans, celui qui se définit comme un « journaliste rural » arpente les Etats indiens les plus exposés au phénomène – Maharashtra, Karnataka, Andhra Pradesh, Madhya Pradesh et Chhattisgarh – à la rencontre des petits exploitants.
Pour lui, la situation est de plus en plus critique dans les campagnes indiennes : « Un paysan qui emprunte de l’argent pour acheter un tracteur doit payer 12 % d’intérêts, là où un homme d’affaire s’offrant une Mercedes ne paiera que 7%. Avec des revenus en chute libre depuis des années, comment voulez-vous que les agriculteurs s’en sortent ? »
Une « culture de l’argent » qui pousse les agriculteurs au suicide
La faute aux grandes compagnies et au Fonds monétaire international (FMI), que le journaliste accuse d’avoir détruit le modèle agraire indien : « L’agriculture commerciale, qui cultive le café, le thé, ou encore la vanille, a supplanté l’agriculture nourricière. C’est elle qui affame l’Inde et pousse les paysans à s’endetter pour cultiver des semences censées rapporter plus d’argent. » Une « culture de l’argent » qui s’est avérée fatale pour bon nombre d’agriculteurs, et c’est parmi ces exploitants que l’on trouve le plus haut taux de suicide ces dernières années.
C’est ce grand désarroi du monde rural indien que P. Sainath tente de montrer dans son documentaire, « Nero’s guests ». Présenté au festival « Movies that matter » de La Haye, le film s’inscrit dans une sélection de dix œuvres mettant en avant le travail de défenseurs des droits de l’homme. Et tente au passage d’attirer l’attention sur un phénomène encore trop ignoré par les médias. « Entre 1991 et 2001, près de huit millions d’Indiens ont abandonné l’agriculture, souligne P. Sainath, soit 2 000 paysans par jour. Aujourd’hui, vous ne trouverez plus un seul jeune Indien prêt à reprendre l’exploitation de son père. On ne peut pas les blâmer : ils ont littéralement vu leurs parents se tuer à la tâche. »
« L’économie de marché a détruit le système agricole indien »
« J’ai rencontré plus de 800 familles touchées par un suicide, raconte le journaliste avec émotion. Aucune d’entres elles ne demande qu’on les prenne en pitié. Elles veulent simplement que le gouvernement reconnaisse leur situation, qu’il intervienne pour empêcher cette vague de suicide de continuer. » Mais P. Sainath n’a guère d’espoir de voir la situation s’améliorer rapidement. L’exode des paysans s’accélère, et la part de terres exploitées par les grandes entreprises ne cesse de croître, au détriment des fermes familiales. « L’économie de marché a détruit le système agricole indien et les décideurs restent sourds à la détresse du monde paysan. Le seul moyen qu’ils ont de changer les choses serait de se révolter et de faire tomber le gouvernement. Mais je crois bien que l’on assiste, en Inde comme en Europe, à la fin des petits exploitants agricoles. »
Kilian FICHOU
Le reste de la programmation du festival « Movie That Matter » surhttp://www.moviesthatmatterfestival.nl/english_index
Source: http://www.delhiplanet.fr/2011/03/28/la-cause-des-paysans-indiens-defendue-a-la-haye/

mercredi 16 mars 2011

Les Semences Paysannes sont la Dignité, la Culture et la Vie: Agriculteurs en résistance pour défendre leur droit aux semences paysannes

VIA CAMPESINA - DÉCLARATION DE BALI SUR LES SEMENCES


Dans le monde d'aujourd'hui nous sommes les victimes d'une guerre pour le contrôle des semences. Nos agricultures sont menacées par les industries qui cherchent à contrôler nos semences par tous les moyens possibles. Le résultat de cette guerre déterminera l'avenir de l'humanité étant donné que nous dépendons tous des semences pour notre alimentation quotidienne.
Un acteur de cette guerre est l'industrie des semences du génie génétique, des technologies hybrides et des produits agrochimiques, qui vise l'appropriation des semences pour multiplier ses profits en obligeant les agriculteurs à consommer et dépendre de ses semences. De l'autre côté se trouvent des paysans et paysannes qui conservent et reproduisent nos semences, avec nos systèmes vivants de semences locales, paysannes et indigènes, les semences qui sont le patrimoine de nos peuples. C’est une richesse que nous mettons généreusement au service de l'humanité.
L'industrie a inventé de nombreuses façons de voler nos semences pour les manipuler afin d'y imprimer ses titres de propriété et pour ensuite nous forcer, nous les peuples agricoles du monde, d'acheter chaque année ses semences privatisées au lieu de garder et sélectionner une partie de nos récoltes pour ressemer l'année suivante. Ses méthodes incluent les semences hybrides, que les paysans ne peuvent pas reproduire, les OGM, et la propriété industrielle sur les semences, brevets ou Certificat d'obtention végétale qui sont imposés par les traités internationaux et les lois nationales. Ce sont tous des formes de vol, parce que toutes les semences de l'industrie sont en fait issues de milliers d'années de sélection et d'amélioration par nos peuples. C'est grâce à nous, paysans et agriculteurs, que l'humanité dispose d'une grande diversité de cultures, qui, avec l’élevage et la domestication des animaux, nourrissent la planète aujourd'hui.