mardi 28 juin 2011

De la viande artificielle pour réduire nos émissions ?


Produire de la viande non plus en élevant des animaux mais en cultivant des cellules musculaires de poulet, de bœuf ou de porc en laboratoire, comme on le fait déjà pour fabriquer de la bière ou des yaourts. Voilà une dizaine d'années que les scientifiques planchent sur des expériences de viande artificielle. Le projet fait en effet miroiter la perspective de pouvoir nourrir une population grandissante qui consomme toujours davantage de protéines. Mais surtout, cette production permettrait de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre qu'implique l'élevage. Ce sont les conclusions d'une nouvelle étude sur le sujet, menée par les universités d'Oxford et d'Amsterdam.
Selon le rapport, que cite le Guardian, la viande in vitro réduirait de 96 % les émissions de gaz à effet de serre entraînées par l'élevage. Sa production exigerait par ailleurs entre 7 et 45 % moins d'énergie que celle de la viande produite de manière conventionnelle. Enfin, la viande en boîte n'aurait besoin que d'1 % des terres et de 4 % de l'eau actuellement dévolues au bétail, soit une manière efficace de lutter contre la déforestation, l’accaparement des terres et la hausse rapide du prix des céréales.
Car aujourd’hui, 70 % des terres agricoles sont consacrées à l'élevage du bétail et la culture de sa nourriture. Or, la consommation de viande ne cesse d'augmenter. En vingt-cinq ans, elle est ainsi passée de 30 kg à 41,2 kg par habitant, selon la FAO. Et l'agence onusienne pour l'agriculture et l'alimentation prévoit encore une augmentation de la production mondiale annuelle de 228 millions à 463 millions de tonnes d'ici à 2050, tirée par la consommation des pays émergents comme la Chine et l'Inde.
"Les impacts environnementaux de la viande artificielle pourraient être nettement inférieurs à ceux de la viande produite de manière classique, estime Hanna Tuomisto, chercheuse à l'université d'Oxford, qui a dirigé l'étude. Nous ne disons pas que nous devrions ou voudrions remplacer la viande conventionnelle par celle cultivée en laboratoire. Cependant, notre recherche montre que la viande artificielle pourrait être une partie de la solution pour nourrir une population croissante tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en économisant de l'énergie et l'eau. Bref, la viande cultivée est potentiellement bien plus efficace et écologiquement viable pour remplir nos assiettes."
Selon Hanna Tuomisto, la culture de cellules musculaires est bien avancée et manquerait seulement de financements plus conséquents. Dans ce cas, les premières viandes artificielles pourraient être introduites sur le marché d'ici cinq ans, sous la forme de carpaccios. Il faudrait toutefois encore cinq années supplémentaires avant de voir de "vrais" morceaux de steaks produits in vitro trôner dans nos assiettes.
Certains scientifiques restent toutefois sceptiques. Selon eux, arriver à une production massive de viande par ce procédé entraînerait des coûts exorbitants et nécessiterait d'énormes quantités d'hormones pour favoriser la croissance et d'antibiotiques pour éviter les contaminations. La solution la plus viable, aujourd'hui, reste donc de réduire sa consommation de viande.
Sur le même sujet, retrouvez le quiz que j’avais réalisé à l’occasion de la journée sans viande, le 20 mars.
Audrey Garric
Photo : AFP/REMY GABALDA


Source: http://ecologie.blog.lemonde.fr/2011/06/28/de-la-viande-artificielle-pour-reduire-nos-emissions/

samedi 25 juin 2011

Poivre et les pilleurs de graines


Lu dans Politis:


Samedi 25 Juin 2011, Par Claude-Marie Vadrot

Chronique « jardins » du week-end. Fruits et légumes peuvent-ils aussi être un objet historique et politique ? Retour, pour ce quatrième épisode de fin de semaine, sur l’histoire des naturalistes-voyageurs. Parmi eux, Pierre Poivre.
Si les colons espagnols et portugais n’avaient pas pillé le continent aujourd’hui latino-américain, il n’y aurait pas grand chose dans les jardins et sur les marchés : la tomate, le haricot, la grosse fraise, le poivron, les piments, la pomme de terre, la courgette et le maïs ont été « volés » dans le nouveau monde. Une part importante des fleurs qui ornent nos jardins et nos fenêtres, une part dominante des légumes que nous allons bientôt commencer à consommer, beaucoup de fruits et aussi pas mal d’arbres de nos parcs, routes et jardins nous ont été apportés, souvent au périls de leur santé et de leur vie, par ceux que l’on appelle les naturalistes-voyageurs.

De drôles d’oiseaux, parfois. Du XVIIe au XIXe siècle, souvent sur les traces des Conquistadores en ce qui concerne l’Amérique latine, ils ont sillonné le monde, bravé les maladies, affrontés les tempêtes et les naufrages, le plus souvent pour le compte de ce qui est devenu en 1793 le Muséum national d’histoire naturelle, là où convergeaient depuis le milieu du XVIIIe siècle, grâce à Buffon, la plupart des scientifiques-voyageurs européens. Des héros. Mais ils ne le savaient pas. Même, par exemple, lorsque l’un d’eux, prêtre-naturaliste du XVIIIe, affrontait un équipage déchaîné. Réfugié dans la dunette arrière, l’homme était accusé d’utiliser la précieuse eau du bord pour que ses plants de pelagornium prélevés en Afrique du Sud ne se dessèchent pas avant l’arrivée en France, alors que le navire était encalminé en plein Atlantique.

Pierre Poivre est l’un de ces scientifiques-voyageurs ; né d’un couple de commerçants lyonnais spécialisé dans la soie en 1719, il n’a ni trouvé ni rapporté le poivre en France ou dans les colonies. Mais peut-être influencé inconsciemment par son nom, ce naturaliste-flibustier s’est notamment intéressé aux « épices » qui faisaient encore la fortune des compagnies de commerce. Très jeune, Pierre Poivre est voué à la prêtrise et étudie dans un séminaire de Lyon. Rien ne le destine à sa vie d’aventures mais au petit et ensuite au grand séminaire parisien où il poursuit ses études, ses professeurs lui enseignent aussi les sciences naturelles. A Paris où Buffon règne sur le Jardin du Roy qui deviendra le Muséum national d’Histoire naturelle, il rencontre le grand naturaliste suédois Linné. Au « jardin des Plantes », fasciné par les deux hommes, il apprend la botanique, délaissant ses études religieuses au grand séminaire de la Société des missions étrangères, d’où ses maîtres en religion l’envoient en Chine.

Dernière obéissance d’un jeune homme qui ne deviendra jamais prêtre, il part en 1741 pour l’Ile Maurice d’où il lui a été dit qu’il est plus facile de gagner la Chine. Une fois sur place, comme les Chinois le prennent pour le missionnaire qu’il ne sera jamais, il est jeté en prison. Elle n’est guère confortable, mais il décide d’y apprendre le chinois. Comme ce garçon de 23 ans est doué, il réussit rapidement. L’exploit parvient aux oreilles du gouverneur de Canton qui demande à le rencontrer avant de le faire libérer. Dans ce pays qui vient d’expulser les Jésuites, il promet de ne pas tenter d’évangéliser les Chinois. Promesse d’autant plus sincère que sa foi vacille et qu’il n’a plus envie d’entrer dans les ordres. Il se promène en Chine, au Siam et dans ce que l’on appellera plus tard l’Indochine. En janvier 1745, il repart vers la France à bord d’un bateau français. Lequel est attaqué par un navire anglais.

La main arrachée par un boulet, il sera relâché à Batavia (maintenant Djakarta) où un chirurgien lui ampute le bras pour le sauver. Il a été relâché parce qu’il connaît Buffon : pour les Anglais, cela vaut un passeport diplomatique. Avant même d’arriver à Batavia où il restera six mois, il apprend à écrire de sa main gauche malgré les souffrances provoquées par sa blessure.

Quelques graines cachées dans ses poches, il repart sur un bateau français qui s’échoue et se brise sur la côte du Siam. Il en réchappe, repart pour l’Ile Maurice puis, avant de rentrer en France, part « faire un tour » aux Antilles. Au large de Saint-Malo, pendant le voyage de retour, il est capturé par des corsaires anglais qui le jettent en prison à Guernesey avec l’équipage. Mais reconnu comme un naturaliste de « monsieur Buffon » il est rapidement relâché et renvoyé en France. A cette époque, les corsaires et la marine anglaise relâchaient toujours les naturalistes français avec leurs caisses, leurs notes et leurs plantes.

Buffon et le Jardin du Roy l’accueillent d’autant plus comme un héros qu’il rapporte des graines d’iris, de camélias et de lys encore inconnus en France. Buffon le charge de créer une annexe du Jardin du Roy à l’Ile Maurice qui est alors terre française. Et les naturalistes français lui proposent d’aller subtiliser un maximum de graines et de plants d’épices aux Hollandais qui occupent l’Indonésie et montent une garde vigilante contre les « contrebandiers de la nature ».

En 1757, il rentre en France et s’installe dans le Massif central. Il se marie à Françoise, 18 ans, 39 ans de moins que lui. Alors que sa jeune et très jolie femme est enceinte, il repart et l’emmène pour l’Ile Maurice dont le roi, à la demande de Buffon, l’a nommé Intendant et le charge d’autres récoltes naturelles. Quasiment en même temps que lui, débarque une « gamin » qui essaie désespérément de draguer sa belle épouse. En vain. Dépité, le jeune homme en fera plus tard un roman dans lequel il contera la chronique de son échec en l’attribuant à la beauté de la nature de l’Ile Maurice, suffisamment pure et sublime pour empêcher tout péché de chair. Poivre et son épouse rentrent en France en se gaussant de l’importun. Poivre mourra en janvier 1786 honoré de tous et de Buffon en particulier.

Quant à l’amoureux dépité, il rentre en France juste avant la Révolution. Il deviendra… directeur du Muséum national d’Histoire naturelle pendant quelques années, miraculeusement épargné par les Révolutionnaires. Il s’appelait Bernardin de Saint-Pierre et dans son roman « Paul et Virginie », Virginie était la belle Françoise qui vivra jusqu’à près de cent ans…
Photo : http://www.stellamatutina.fr

jeudi 23 juin 2011

COMMUNIQUE DE PRESSE : AGREXCO PREND L'EAU !

Publié par bds campagne france


Les difficultés financières de l’entreprise coloniale sont maintenant du domaine public (cf divers articles en fin de communiqué ) : 14 millions d’€ de pertes, vague de licenciements prévues, désaffection de partenaires commerciaux annoncées… Le flibustier qui avait soudoyé l’administration politique de la région Languedoc-Roussillon et tenté d’acheter la paix sociale au prix de mensonges n’est plus économiquement ni financièrement crédible !


La Coalition contre Agrexco qui œuvre sur le territoire européen pour bouter hors des ports et des aéroports cette entreprise coloniale se réjouit que les affaires de cette firme agro alimentaire dépérissent.
Modestement, mais avec fierté elle rappelle que la campagne de boycott des produits Carmel-Agrexco lancée dans le cadre de la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions France n’est pas sans lien avec cet affaiblissement de la structure financière de l’entreprise Israélienne qui spolie les intérêts des paysans et du peuple palestinien tout en mettant à mal les paysans européens.
- La Coalition contre Agrexco appelle à amplifier les actions coordonnées de boycott sur tout le territoire dans le cadre d’actions non violentes et cela conformément aux décisions du premier forum européen tenu en début de mois à Montpellier.
- Elle rappelle au Conseil régional du Languedoc Roussillon que cette entreprise, par constat d’huissier du 25 janvier dernier a été mise en défaut sur la véracité des documents d’importation et que le soupçon de fraude (dissimulant le crime de guerre) systématiquement organisée est prouvé.
- Elle demande avec fermeté une nouvelle fois au Conseil Régional LR de revoir sa position, d’abandonner immédiatement son soutien à cette firme et de refuser dès aujourd’hui l’accès au port des bateaux d’Agrexco.
- Par ailleurs la Coalition continuera d’actionner l’outil juridique qui œuvrera alors tant à l’encontre de cette société coloniale que de ses partenaires .
22 juin 2011

Source: http://coalitioncontreagrexco.net/node/75

Agrexco recherche un règlement de sa dette
 
http://www.globes.co.il/serveen/globes/docview.asp?did=1000656215&fid=1725
 
Une baisse de notation et une montée des pertes signifient que l’exportateur de produits agricoles contrôlé par le gouvernement ne peut pas payer ses dettes.
 
Aviv Levy, 20 juin
 
La compagnie d’exportation agricole sous contrôle gouvernemental Agrexco cherche un règlement de sa dette après avoir perdu 33 M€ en 2010, conduisant à un déficit de fonds propres de 13 M€. Les porteurs d’obligations doivent se réunir jeudi pour considérer une demande de remboursement immédiat de 32 M€ (150 millions de NIS).
 
Le gouvernement possède 30,3 % d’Agrexco et contrôle son conseil d’administration. Le Agricultural Marketing Board possède 55,3 % et Tnuva Food Industries Ltd. détient 11 %. La majeure partie des exportations de la compagnie part au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Hollande et dans les pays d’Europe de l’Est. Ses marques principales sont Carmel et Alesia. Elle a des liens commerciaux avec 2200 producteurs en Israël, et exporte 400 000 t de produits par an.


Lire la suite:


http://www.coalitioncontreagrexco.net/

samedi 18 juin 2011

Un simple carré de « simples »


Lu dans Politis:


Samedi 18 Juin 2011, Par Claude-Marie Vadrot

Chronique « jardins » du week-end. Fruits et légumes peuvent-ils aussi être un objet historique et politique ? Retour, pour ce troisième épisode de fin de semaine, sur l’histoire des herbes aromatiques.
Quand les grandes surfaces vendent le basilic frais, le thym, la ciboulette ou l’aneth sous plastique autour de 100 euros le kilo, il est à la fois urgent, délicieux et facile de se faire un petit carrés d’herbes aromatiques sur son balcon [1] ou dans son jardin. Une très ancienne tradition des Romains et des couvents qui installaient les herbes simples près de l’infirmerie ou de la cuisine.Le premier jardin parisien (officiel) de « simples » ou de plantes à la fois médicinales et aromatiques fut installé en 1626 sur les terrains qu’occupe aujourd’hui le Muséum national d’histoire naturelle, plus connu à Paris sous le nom de Jardin des plantes. Hommage populaire ayant résisté au temps, au médecin Guy de la Brosse qui inventa ce « Jardin royal des plantes médicinales » en se mettant à dos les caciques de la médecine officielle de Louis XIII.

En ce temps là, toutes les plantes considérées comme aromatiques étaient aussi utilisées comme remèdes. Leurs propriétés oubliées au XXe siècle ont été peu à peu et récemment redécouvertes. Et ce malgré les condamnations de la médecine officielle qui a obtenu dans les années 1940, grâce au maréchal Pétain et à l’ordre des pharmaciens, la disparition des herboristes diplômés. En son temps, Guy de la Brosse fit d’autant plus scandale qu’il imagina, à partir de 1640, de faire de son jardin un lieu d’enseignement. Gratuit et en français alors que la faculté professait encore en un latin qui n’était pas de cuisine, même si le thym y occupait déjà une place de choix avec la sarriette. Aujourd’hui encore l’Ecole de botanique du Muséum est ouverte gratuitement tous les jours au public [2].
Sans prétendre égaler les talents des maitres-jardiniers du Muséum, il est facile d’installer en votre jardin, si petit soit-il, un carré de simples. En commençant par les « larmes d’Hélène » ; la fille de Zeus, retrouvant la région de Sparte après de multiples aventures, versa des pleurs qui donnèrent naissance au thym alors réputé pour éloigner les serpents. Pline l’Ancien évoque la plante et ses légendes dans son Histoire Naturelle, mêlant botanique et légendes. Il existe plus de 2000 espèces de thym qu’il m’est arrivé de trouver en Sibérie et au bord du désert irakien.

Commencez par le thym commun, Thymus vulgaris, qui se contentera d’une terre pauvre en plein soleil. En Provence, où il vaut mieux l’appeler farigoule pour être compris, il pousse dans toutes les garrigues, tout comme le serpolet, Thymus serpyllum, qui s’adapte bien au jardin et au balcon. Les deux se marieront avec leur cousine la sarriette, Satureja hortensis, une annuelle qui se sème dans le même type de terre et qu’il est possible d’utiliser trois ou quatre mois après le semis. Elle fait partie des « herbe de Provence » qui comprennent, outre le thym, le romarin, la marjolaine et l’origan. Le romarin, Rosmarinus officinalis, voisine fort bien, si on lui donne un peu de place, avec la marjolaine, Origanum majorana, et son demi-frère l’origan : ils se conservent très bien dans de l’huile d’olive qu’ils parfument.

L’estragon, Artemisia dracunculus, arrivé d’Asie centrale (où j’en ai trouvé avec des feuilles rouges) au Moyen Âge, était vanté par de Guy de la Brosse pour guérir des morsures de serpents, d’araignées et de scorpions et toutes les formes d’indigestion. Son nom latin fait allusion au dragon car les premiers naturalistes ont été impressionnés par sa racine souterraine qui, chaque printemps, lui permet de refaire les tiges que l’on cueille.

Toujours au soleil, la sauge officinale, Salvia officinalis, pousse facilement, s’utilise en cuisine et fait d’excellentes infusions. C’est à cet effet qu’elle était cueillie ou cultivée en Asie avant de s’acclimater aux pays méditerranéens puis aux climats plus frais. Outre ses propriétés culinaires, la sauge, dont le nom vient du latin salvare - guérir - est réputée soigner une quinzaine de maladie. Il est vrai que les tiges, en infusion, libèrent de la salicine, composé de base de l’aspirine. Cela n’explique pas que la sauge ait même été soupçonnée au Moyen Âge de posséder des vertus aphrodisiaques. Ses propriétés expliquent sans doute le proverbe provençal aujourd’hui un peu oublié : « Qui tient de la sauge en son jardin n’a pas besoin de médecin ». Au moins, la rime est riche.

D’autres plantes vivaces ont leur place dans ce carré magique qui sent si bon tout l’été et attire les papillons : la menthe, la pimprenelle, Sanguisorba minor, la ciboule, Allium fistulosum , la ciboulette, Allium schoenoprasum, et le céleri branche. A côté de ces simples dont certaines ne disparaissent l’hiver que pour mieux renaître au printemps, il faut garder de la place pour semer en mars ou avril du fenouil, Foeniculum vulgare, de l’aneth, Anethum graveolens, du basilic, Ocimum basilicum, et la coriandre, Coriandrum sativum.
Un nom latin de plus mais ils permettent à l’acheteur de ne pas se laisser refiler n’importe quoi dans une jardinerie. La coriandre fut suffisamment vénérée pour avoir son jour dans le calendrier révolutionnaire de Fabre d’Eglantine - le 30 juin - ; elle aime le soleil, elle pousse très vite et j’ai pu constater en l’essayant dans mon jardin pourtant frais des bords de Loire qu’elle se ressème toute seule, année après année. Elle a donc naturellement sa place dans ce carré de simples qui fut probablement, il y des millénaires, le premier jardin inventé par homo sapiens.

Notes

[1] Voir le « Geste utile » de Politis du 3 mars 2011
[2] En face des serres. Mais beaucoup de Muséum d’histoire naturelle de province offrent les mêmes jardins

samedi 11 juin 2011

Le concombre, grandeur et décadence


Lu dans Politis:


Samedi 11 Juin 2011, Par Claude-Marie Vadrot

Chronique « jardins » du week-end. Fruits et légumes peuvent-ils aussi être un objet historique et politique ? Retour, pour cette deuxième épisode de fin de semaine, sur le désormais célèbre concombre.
Délaissant les gros légumes insipides, formatés, gorgés d’eau et dont l’existence fragile ne repose plus dans le monde que sur trois variétés, je ne cultive plus qu’un mini concombre que je fais grimper le long d’un tuteur plutôt que de le laisser se traîner sur la terre. À des années lumières de la « chose » dont le France « fabrique » 115 000 tonnes par an, soit 6 % de la production européenne, alors que l’Espagne compte pour un tiers. On peut se demander pourquoi un pays réputé agricole éprouve le besoin (mais est-ce un besoin ?) d’importer des centaines de milliers de tonnes d’un légume si facile à cultiver. Avant la « crise », la consommation française avait déjà chuté, les gens finissant par se lasser de ce « sans goût » inondant les grandes surfaces. Au grand regret des petits maraîchers de proximité qui ont du mal à écouler de « vrais » concombres...

L’origine du concombre est si ancienne que ce légume facile à cultiver, même sur un balcon, avance masqué dans l’histoire des plantes. Et lorsque sa taille est modeste, il a été convenu de l’appeler cornichon, mot qui dès le XVIe siècle désignait dans le langage populaire et à la cour du roi « un endroit précis que rigoureusement ma mère m’a défendu de nommer ici », comme l’a chanté Brassens. Puis au XIXe siècle, par un glissement de sens que nul n’explique, le mot cornichon désigna l’imbécile. Rien d’aussi fâcheux n’arriva au concombre que sa taille a préservé des lazzis depuis qu’il aurait été découvert par les armées d’Alexandre sur les hauteurs et les plaines bordant le massif Himalayen. Peut-être en Afghanistan et plus probablement dans la plaine de Fergana, près de la région formant aujourd’hui le Kirghizstan et le Tadjikistan, où l’on en mange de bien plus amers que les nôtres avec, comme en Russie, de la crème aigre et de l’aneth. Près de certains villages déjà assez hauts, je me souviens en avoir trouvé des sauvages que les Tadjiks croquaient pour étancher leur soif. Question pour accroître la confusion : les cornichons malossol, cornichons à la russe conservés en bocal avec du sel, sont ils de gros cornichons ou de petits concombres ?

L’origine himalayenne semble démentie par le fait que le concombre possède en Inde un nom en sanscrit, sukaza, et qu’il figurait, d’après les chroniques, dans les jardins suspendus de Babylone sur la demande de la déesse Ishtar qui fut la divinité de la fécondité et dont on dit qu’elle était fort portée sur la chose (retour au cornichon…). Des historiens règlent la question en remarquant qu’il était apprécié des pharaons, expliquant que c’est des plaines de l’Inde qu’il conquît le reste du monde. Et qu’Alexandre le Grand ne fit que redécouvrir le concombre avant que les rescapés de ses armées ne le rapportent vers l’Europe.

Reste que les multiples versions de ce légume ont conquis le monde entier à la fin du Moyen-Âge et notamment la France. Ainsi, le médecin personnel de Louis XVI dut intervenir auprès de lui pour qu’il n’en mange pas trop goulûment. Dès cette époque, les femmes avaient découvert ses vertus astringentes et hydratantes pour la peau du visage. Dans les grandes familles, à la maison comme dans les coulisses de théâtre, elles se ravivaient le teint avec des compresses de pulpe de concombre ou des fines tranches appliquées quelques minutes sur les pommettes. Le truc reste réputé... Au même moment, mais aussi plus tard, le concombre était utilisé par les voyageurs et les nomades comme des réserves d’eau qu’ils emportaient de la plaine du Nil ou des oasis pour les croquer plus tard et se désaltérer.

Le Cucumis savitus reste un légume à tout faire qu’il est possible de semer d’avril à juin dans des petits godets de tourbe. On les met ensuite en terre au soleil avant qu’ils se couvrent de fleurs jaunes dont il faut limiter le nombre si l’on veut qu’ils grossissent un peu plus. Mais jamais autant que les « bâtons verts » que l’agro-industrie s’obstine à nous proposer en leur enlevant soigneusement la moindre saveur. Comme des produits d’usine.

mardi 7 juin 2011

Appel du Mrap

Appel au G20 : ne jouez pas avec notre nourriture !

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Réduire la faim dans le monde et renforcer l’agriculture paysanne et familiale supposent des réformes profondes en matière agricole, remettant radicalement en cause les politiques de libéralisation des marchés, comme celle de l’Union européenne avec la Politique Agricole Commune (PAC). Ces politiques ont provoqué spéculation, dumping social, dégradation de l’environnement et des conditions de vie des paysans et des paysannes au Nord et au Sud.

Ainsi, à l’heure où la France assure la présidence du G20, nous appelons le Président de la République et le Ministre de l’Agriculture à favoriser des politiques, des modes de production et de consommation durables et équitables qui permettent aux Etats d’assurer leur souveraineté alimentaire et le droit à l’alimentation de leur population. Ces politiques doivent :
  • soutenir et protéger l’agriculture paysanne et familiale respectueuse de l’environnement, en Europe et dans les pays du Sud
  • prendre en compte les besoins spécifiques des paysannes, nombreuses dans les pays du Sud
  • rétablir des mécanismes publics de stockage, de stabilisation des prix et de maîtrise de l’offre aux niveaux national et régional, favorisant les exploitations paysannes et familiales et garantissant un revenu stable aux agriculteurs et des prix raisonnables aux consommateurs
  • s’attaquer à la spéculation sur les produits agricoles
  • arrêter les accaparements de terre et le soutien massif aux agrocarburants
  • renforcer, réformer et démocratiser les Nations unies, afin qu’elles deviennent l’instance principale de décision de ces régulations mondiales, fondées sur la souveraineté alimentaire, la coopération et la solidarité.

Liste des organisations signataires :

Artisans du Monde, ATTAC, la Confédération paysanne et Peuples Solidaires/ActionAid. Elle est soutenue par : AITEC, Amis de la Terre, Campagne ‘Mondialisons nos Solidarités », CCFD – Terre Solidaire, Comité français pour la solidarité internationale (CFSI), CRID, Eau Vive, Élevages Sans Frontières, Fédération Syndicale Unitaire (FSU), Frères des Hommes, GRET, Ingénieurs Sans Frontières, Marche Mondiale des Femmes France, MRAP ; Oxfam France, Réseau Foi et Justice Afrique Europe, Ritimo, Solidarité, Terre des Hommes France, Union syndicale Solidaires.

dimanche 5 juin 2011

Le reblochon met K.O. McDo


Voilà dix ans, McDo lançait à grand tapage trois hamburgers : « McCheese recette au Beaufort fondu », « McCheese sauce Reblochon » et « McCheese sauce à la tomme de Savoie fondue ». Objectif : redorer son image après le fameux démontage de Millau par José Bové.

Patatras ! La Répression des Fraudes découvre que le prétendu hamburger au Beaufort n’en contient que 51 %, le reste étant pour l’essentiel du Cheddar. Dans les deux autres recettes, on tombe à 8,5 % de reblochon et à 6 % de tomme. Les Fraudes portent plainte. Cinq ans plus tard, McDonald’s France est condamné par le tribunal correctionnel de Versailles à 15 000 euros d’amende, auxquels s’ajoutent 150 000 euros de dommages et intérêts pour chacun des trois syndicats du Beaufort, du Reblochon et de la tomme, qui s’étaient portés partie civile pour défendre l’honneur de leur frometon AOC.

Furax, le roi du hamburger fait appel. Résultat : les juges confirment qu’il y a tromperie pour le McCheese au Beaufort tout en faisant fondre l’amende de 10 000 euros et les dommages et intérêts à 50 000 euros pour le syndicat de défense du Beaufort. Mais surtout, la cour d’appel relaxe 
McDo France pour la tomme et le Reblochon. Tout ça parce qu’il s’agit de sauces et que, disent les juges, il n’existe pas de « dispositions régissant la composition d’une sauce ». Tant pis si la firme tartine son « McCheese sauce au Reblochon » avec une mixture concoctée par Amora et si on ne trouve qu’un gramme de reblochon dans le hamburger.

Pour alimenter toute sa campagne, McDo s’est ainsi contenté de 300 kilos de Reblochon (contre 16 000 tonnes produites chaque année). Un verdict qui a fait saliver l’agroalimentaire puisqu’il autorisait à mettre des produits AOC à toutes les sauces. C’est la cour de cassation qui a sauvé nos papilles. Dans un ultime coup de gong judiciaire, la cour d’appel de Versailles vient de condamner McDo pour ses « McCheese sauce au Reblochon » et « sauce à la tomme de Savoie fondue ».

Chez McDo, on a décidé, cette fois, de ne pas en faire un fromage…
Le Canard Enchaîné N° 4727 du 1er juin 2011

samedi 4 juin 2011

Petite histoire de la tomate



Lu dans Politis:


Samedi 4 Juin 2011, Par Claude-Marie Vadrot

Chronique « jardins » du week-end. Le jardinage peut-il aussi être un objet politique ou un acte de résistance ? Chaque année, les potagers individuels fournissent 100 000 tonnes de tomates, source d’économie pour des milliers de Français peinant à boucler leurs fins de mois. Retour sur l’histoire d’un légume facile et populaire.
Garde-manger nécessaire, le jardin est aussi une occasion de raconter des histoires oubliées. Aujourd’hui, justement, la tomate, dont les fruits commencent à se former en mon jardin des bords de Loire grâce au chaud printemps...

Les Italiens et les Espagnols furent les premiers à accueillir cette belle américaine venue des Andes. Tandis que les naturalistes français, hollandais et allemands chipotaient, hésitant à goûter, craignant de s’empoisonner avec ce fruit, les Italiens adoptaient « le pomo d’amore », nom qui lui resta de l’autre côté des Alpes jusqu’au début du XXe siècle. Ils se moquaient qu’un voyageur du XVIe siècle l’ait nommée « pomme malsaine », tout en la rapportant vers l’Europe du Pérou où il l’avait trouvée. Le fruit inca découvert dans les jardins d’altitude mis à sac par les conquistadors espagnols, notamment sur les pentes du Machu Picchu et à Cuzco, était minuscule, « rouge comme une cerise » et goûteux. La tomate fut transformée et améliorée pendant des siècles avant que jardiniers et agronomes réinventent à grands frais, sans rire et comme une prouesse, la tomate cerise qui n’est rien d’autre que la tomate d’origine. Je me souviens en avoir grappillé, sauvages et rampant sur le sol, dans la montagne péruvienne ou sur l’altiplano bolivien.

Avec cet article, Claude-Marie inaugure sa « chronique main verte » du week-end consacrée aux jardins, au sens large. À vous, lecteurs, de nous dire, grâce au forum ci-dessous, si vous souhaitez voir ce rendez-vous pérennisé.

Le cheminement des plantes volées à l’Amérique n’étant jamais simple, nul ne sait plus aujourd’hui si c’est la tomate des Andes ou celle déjà améliorée par les Aztèques au Mexique qui parvint la première en Europe. Le nom tomate, finalement adopté par de nombreux pays européens dés la fin du XVIe siècle, viendrait de l’appellation aztèque « tumatle ». C’était avant qu’en 1750, le naturaliste suédois Linné, enragé de la classification, lui donne enfin un de ces noms latins qui consacre l’entrée d’une plante dans le Panthéon des espèces : Solanum lycopersicum. Façon de rappeler aux lettrés que cette famille des solanacées comprend des plantes vénéneuses. Les Italiens, sans attendre Linné, avaient commencé à les accommoder et à les manger à toutes les sauces. On raconte qu’ils pensaient que, ressemblant à la mandragore, la « pomme d’amour » possédait des vertus aphrodisiaques. Ce qui n’est certainement pas le cas de gros fruits insipides mûris en cageots voyageurs que l’on nous vend souvent aujourd’hui.

Olivier de Serres, plus inspiré sur d’autres plantes et légumes, expliquait au début du XVIIe siècle dans son Traité de l’Agriculture que la tomate était malsaine mais pouvait décorer agréablement un jardin. La Quintinie, maître jardinier de Louis XIV, ne l’accueillit jamais en son jardin royal où le roi soleil s’initiait au jardinage. Il fallut attendre en France la fin du XVIIe siècle pour que les tomates, déjà plurielles en variétés, apparaissent dans les jardins et sur les tables, envoyées par le sud du pays. Probablement non pas apportées mais au moins popularisées sous la Révolution par des sans culottes venus de la région de Marseille. Graines en poche à tout hasard, ils réclamaient dans toutes les gargotes qu’on leur serve leur fruit favori depuis quelques années. La tomate avait gagné Marseille depuis l’Italie en passant par Nice.

En France et dans les pays plus nordiques, la grande aventure de la tomate commence finalement au début du XIXe siècle, mais il fallut attendre les années 1920 pour que ce fruit-légume commence à servir d’indice de mécontentement dans les théâtres parisiens, ceux des grands boulevards, notamment. Il y avait déjà le choix puisqu’une centaine de variétés était alors identifiée. En 2005, le chiffre a largement dépassé 1500. De quoi satisfaire les centaines de millions de terriens qui en consomment chaque année environ 80 millions de tonnes. Avec un net fléchissement en France depuis quelques années. Car la production familiale progresse constamment, les jardiniers amateurs ayant compris qu’avec quelques mètres carrés de terre ou sur un balcon ils pouvaient cultiver des produits de meilleure qualité que la production agro-industrielle, de plus en plus dégradée. Sans oublier que, comme en Afrique ou en Amérique Latine, on peut choisir de laisser la tomate courir sur le sol plutôt que de l’attacher à un tuteur. On dit aussi qu’il faut tailler, mais, si vous oubliez ou avez la flemme, le résultat ne sera guère différent. La tomate est bonne fille.

Quelles variétés ? Chacun son goût et son choix. Le mien se porte sur la tomate cerise, jaune ou rouge, et la mini-tomate jaune en forme poire. Comme amuse-gueule. Ensuite, pour la sauce et pour faire sécher au soleil, les tomates olivettes, Roma ou Prince Borghèse. Je cultive aussi la Cœur de bœuf pour ses gros fruits, la Cornue andine, toute en longueur, pour la faire sécher, parce qu’elle est délicieuse et que sa forme amuse, la Saint-Pierre, la Montfavet précoce, la Russe pour faire d’énormes tomates farcies et l’Evergreen parce que restant toujours verte elle décore (avec goût) les salades. Reste à réinventer le jet de tomates au théâtre, habitude hélas tombée en désuétude.

mercredi 1 juin 2011

La détresse des paysans indiens portée à l'écran

Pour son premier film, Maudite Pluie !, le réalisateur indien Satish Manwar a choisi la fiction : il décrit la douloureuse réalité des suicides de paysans dans son pays. Avec sensibilité et justesse, il recrée l’intimité d’une famille d’agriculteurs qui lutte pour joindre les deux bouts.





Ma mort sera comme une pluie inopportune/ Ma mort vous semblera probablement insensée/ Ici, j'ai laissé mon corps pendre, comme ultime preuve d'existence..."
Maudite Pluie ! [Gabhricha Paus est le titre original en marathi, la langue régionale de l'Etat indien du Maharashtra] débute avec ces vers poignants du poète et fermier Shrikrishna Kalamb. Il les écrivit en mars 2008, deux jours seulement avant de mettre un terme à sa vie, confronté aux mauvaises récoltes et à un endettement grandissant. Le poème donne le ton de ce film marathe remarquable. Maudite Pluie ! a été acclamé et primé dans tous les festivals, de Cuba à Los Angeles, de Durban à Rotterdam.
Ce film à la fois saisissant et simple a pour sujet le suicide dans le monde paysan, et se focalise plus précisément sur la détresse et les difficultés personnelles que sur les problèmes sociaux au sens large. Les dettes, les emprunts, les récoltes insuffisantes et les revenus trop faibles – tout cela dessine la toile de fond sur laquelle deux points de vue divergents vont se heurter. Pour commencer, il y a Patil, cet homme paresseux, pragmatique et passant son temps à écouter la radio, qui a abandonné son travail d'agriculteur, conscient que le produit de la terre ne lui rapportera pas grand-chose. Et puis il y a Kisna, qui s'acharnera au travail jusqu'à ce que la mort l'arrache à sa ferme.
Le site web du film et la bande annonce: http://www.mauditepluie.com/