mercredi 20 avril 2011

McDo se surpasse dans l’écotartufferie


Par SuperNo

J’ai (re)commencé à parler de décroissance, et je prépare un (très) long billet pour tenter d’expliquer où en sont les organisations politiques qui s’en réclament, quelles sont leurs idées, et comment elles comptent les mettre en œuvre. En attendant, la précampagne présidentielle est déjà lancée, et cette semaine a vu la déclaration hypermédiatisée de la candidature de Nicolas Bertrand Hulot, déjà quasiment assuré de représenter les Verts, et qui va devoir s’employer à faire oublier son lourd passé d’hélicologiste sponsorisé par les multinationales, et notamment par l’industrie nucléaire. C’est pas gagné.

Si, dans un effort surhumain pour positiver, on ne doit retenir qu’une seule chose de cette nouvelle, c’est que "l’écologie" en général ne sera peut-être pas totalement absente du débat présidentiel. Bien sûr on va nous abreuver de rodomontades au sujet de la "sécurité" ou de la "laïcité", des habituelles promesses de Gascons sur l’"emploi" et le "pouvoir d’achat", tentatives pitoyables pour dissimuler leur seul but : jouer les importants, faire dans leur culotte en se faisant appeler "monsieur le ministre", se vautrer pendant 5 ans dans les douillets fauteuils des ministères, avec huissiers en livrée, chauffeur et grosse bagnole qui fait pin-pom et grille les feux rouges. Tout ça pour faire une politique d’oppression populaire, sur fond de "diminution des déficits", avec le carcan des lois ultralibérales de la Commission Européenne et l’épée de Damoclès des diktats des agences de notation.

L’écologie, dans ce contexte, est fréquemment utilisée comme manœuvre dilatoire, comme le foutage de gueule du "Grenelle de l’environnement" l’a si bien démontré. Quand on a des choses à se faire pardonner, on peut parler d’écologie. Ou du moins faire semblant. Attention, il s’agit de "l’écologie light", celle qui met en exergue la nature et les petits oiseaux, mais qui s’interdit totalement de remettre en cause de quelque manière que ce soit le système économique en place et en particulier son dogme de la croissance, que l’on consent tout juste à repeindre en vert. Jamais un de ces tartuffes ne fait le rapprochement entre l’effondrement généralisé du monde, et l’économie libérale de la "croissance infinie".

Un ami lyonnais m’a rapporté cette anecdocte édifiante : dans les "restaurantsMcDo, du moins celui de Lyon Bellecour, mais c’est probalement généralisé, la "déco" a été totalement refaite, et elle est désormais tout à la gloire de "l’écologie" et du "développement durable". Si, si. Je n’ai pas eu le courage de pousser la conscience professionnelle jusqu’à vérifier moins-même (j’ai récemment trouvé l’argument définitif pour dissuader mes enfants de se rendre dans ces lieux de perdition, depuis qu’un pauvre gamin est mort d’une intoxication dans un fast food (c’était pas un McDo, c’était un Quick, mais le système est exactement le même), quand ils me sollicitent pour "aller au McDo", je leur réponds : tu veux mourir à ton âge ?) J’ai néanmoins sollicité la contre-expertise d’un autre témoin indépendant qui m’a confirmé en tout point l’exactitude de la chose. Les murs sont peints d’histoires qui parlent d’effet de serre, de réchauffement climatique, et tout à la gloire des efforts de McDo dans le domaine du "développement durable". Ceux-là même qui avaient été reconnus et vantés par "Dominique Voynet", jadis ministre "écolo" totalement impuissante et vouée à jouer les faire-valoir et accompagner la marche terrifiante de l’économie capitaliste : "McDonald’s est légitime pour parler environnement à ses clients", avait-elle décrété en 2007. En retour bien mérité, Voynet s’était fait pourrir par nombre de ses camarades de parti (qui ne sont pas tous stupides, loin de là) et par le journal "La Décroissance", qui l’avait représentée sous les traits du clown de McDo.

Mais le pire, dans ce fameux McDo, ce sont des écrans LCD sur tous les murs ! Place Bellecour, à Lyon, ils diffusent les messages suivants : 

"La terre appartient à nos enfants" (Les pauvres, bonjour la tronche de l’héritage) "6 milliards d’hommes, une seule planète" (Et 33 000 McDo, 24 milliards de dollars de chiffre d’affaires dont 4.9 milliards de dollars de bénéfices) "Nos enfants nous regardent" (Et c’est pas beau à voir) "Protégeons les forêts" (Et c’est un des plus gros pilleurs de la planète qui vous le dit !) "La nature pour projet" (Non non, le vrai projet, ce sont les bénéfices, d’ailleurs les actionnaires sont un peu déçus des derniers résultats ) "Le défi de l’énergie" (Sur un écran LCD, il fallait oser…) "Plus de respect, moins de CO²" (et plus de foutage de gueule)

Chacun de ces écrans doit consommer tranquillement ses 3kWh/jour, et en fonction des pays et de l’origine de l’électricité, cela fait tourner les centrales au gaz ou au charbon (bonjour le CO²) ou alors les centrales nucléaires, dont n’importe qui sait désormais que c’est encore pire. Evidemment, McDo n’est pas le seul, puisque ces saloperies d’écrans, majoritairement employés pour faire de la pub (dont on voit clairement combien l’interdiction serait une bouffée d’air pour la planète), fleurissent aussi dans le métro, les commerces, les cinémas, et même la voie publique, pied de nez insupportable à l’écologie (la vraie). Ajoutons à cela que McDo commence, comme la SNCF, comme les péages d’autoroute, comme les hypermarchés, comme les cinémas, à remplacer les humains par des machines, avec la généralisation des caisses automatiques.

Cette histoire ridicule pourrait faire sourire. Elle est en fait très instructive et pédagogique pour faire comprendre ce que sont réellement l’écologie et la décroissance, et pour apprendre aux naïfs et aux débutants à démasquer les tartuffes. Dans ce que Sarkozy, NKM ou Hulot appellent "écologie", McDo a probablement sa place. Il lui suffit d’afficher quelques bonnes intentions, de servir des salades, peut-être même des trucs bio (toujours pour l’image, mais celui qui va chez McDo pour manger bio devrait d’urgence consulter un psy !), sous les applaudissements lourdement sollicités. Alors qu’en fait, McDo est un des symptômes les plus emblématiques de notre société capitaliste, vouée à la croissance. C’est simple, dans un monde normal, McDo n’existerait pas. On mangerait en prenant son temps (le temps de discuter, par exemple), des aliments sains, locaux, non transformés, qui n’engraisseraient pas les actionnaires de multinationales, dans un endroit sans pub et sans écrans LCD, loin des zones commerciales qui n’existeraient d’ailleurs pas non plus.

Ensevelir le monde entier sous une couche uniforme de la même merde standardisée, calibrée, calculée pour être fabriquée par gigatonnes, au coût le plus bas, dans un processus de fabrication infernal qui va de la déforestation aux OGM, en passant par les élevages concentrationnaires, l’agrochimie, et les abattoirs dantesques. S’appuyer sur des chanteurs à la mode ou des sportifs cupides pour généraliser une espèce d’idéologie mondialisée, ramollir les cerveaux, les conditionner pour mieux les exploiter. Et si on revient à des considérations terre à terre, bouffer chezMcDo, c’est être abruti par la pub, se rendre dans une de ces infâmes zones commerciales qui défigurent tout, faire la queue debout pendant un moment déraisonnable et dans un brouhaha insupportable, commander des trucs avec des noms anglosaxons parfaitement grotesques, être servi par des néo-esclaves précaires qui sont obligés de faire semblant de sourire mais qui se voudraient ailleurs (ce que Naomi Klein appelle les McJobs, qui préparent les jeunes à se résigner à n’avoir qu’un métier de merde sous-payé pour le restant de leur jour, et de s’en estimer heureux), bouffer avec les doigts et machouiller des trucs infâmes, des aberrations diététiques, grasses, sucrées, totalement insipides, en un quart d’heure (ben oui, après il faut se dépêcher pour aller faire les courses au supermarché), le tout pour un prix supérieur à celui d’un honnête plat du jour dans n’importe quelle bonne gargotte. La belle vie, quoi.

C’est contre cette délisquescence totale de la manière de se nourrir et plus généralement de vivre qu’est né le collectif "Slow food" . McDo écolo parce qu’il recycle quelques emballages, ça me fait un peu penser à Dutroux qui ferait un don à une fondation pour l’enfance maltraitée. Sauf que Dutroux, lui, il ne le fait pas, il trouverait ça trop gros…