vendredi 15 avril 2011

Ça cloche à la cantoche


Ça devait être du gâteau. Le 13 juillet dernier, les parlementaires ont voté une loi pour en finir avec la malbouffe à la cantine. Objectif : lutter contre l’épidémie d’obésité qui sévit dans les cours de récré. Plus de 14 % des écoliers affichent un excès de poids sur la balance.

Au menu : moins de sucre dans les desserts, plus de vrais fromages et moins de spécialités fromagères à tartiner, plus de légumes, de fruits, moins de poissons panés… Pas de quoi s’emballer. Il s’agissait juste de rendre obligatoire une vieille circulaire de 2001 sur la composition des repas en restaurant scolaire. 
Un texte sur lequel s’assoient la moitié des cantines, dixit l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation.

En 2007, l’Anses, qu’on appelait alors l’Afssa, a mis les pieds dans le plat en révélant dans un audit que 11 % des cantines scolaires n’avaient carrément jamais entendu parler de la circulaire ! Dans certaines cantoches, on vous fabrique un repas avec 90 centimes d’euros, quand de l’avis de tous les experts, il faut y mettre au minimum 1 euro pour éviter que les nutritionnistes tombent dans les pommes en voyant le contenu des assiettes.

Pourtant il aura suffi qu’une obscure Commission Consultative d’Évaluation des Normes émette un avis défavorable pour que la loi du 13 juillet soit privée de décret, donc inapplicable, et que la vieille circulaire de 2001 reste lettre morte. Composée d’une cinquantaine de membres, la CCEN, qui dépend du ministère de l’Intérieur, a jugé que la mesure allait coûter chérot aux collectivités locales et qu’elle n’était donc pas « strictement nécessaire ».

Sauf que, comme l’avait calculé l’Inserm, le surcoût pour le contribuable d’un repas équilibré à l’école, c’est peanuts (moins de 1 %). De là à imaginer que les élus se sont faits bourrer le mou par les poids lourds de la restauration scolaire…

Le plus savoureux est que la mesure qui vient d’être renvoyée en cuisine était, parmi les 80 et quelques propositions du rapport anti obésité de la député UMP Valérie Boyer, la seule qui ne s’était pas fait sucrer. Autant dire que les 6 millions d’élèves qui vont à la cantoche mangeront équilibré… le jour où les poules (de batterie) auront des dents.
Le Canard Enchaîné N° 4720 du 13 avril 2011